Transport : plus de 5 000 emplois créés en 2024, mais la branche fait face à une fragilité structurelle croissante
Malgré un contexte économique ralenti, le secteur du transport et de la logistique a enregistré en 2024 la création nette de 5 066 emplois, selon le rapport 2025 de l’OPTL. La branche totalise désormais 811 169 salariés, en hausse de 0,6 % sur un an, un rythme plus soutenu que celui de l’ensemble de l’économie française (+0,13 %). Mais cette progression s’inscrit dans un mouvement de décélération amorcé depuis 2022. À titre de comparaison, la croissance de l’emploi avait atteint +1,5 % en 2022 et +4,2 % en 2021.
Le président de l’OPTL, Bruno Lefebvre, salue toutefois la capacité de résilience d’un secteur soumis à des tensions multiples : « Avec plus de 5 000 créations d’emplois, nous maintenons une dynamique positive, mais cette réalité ne doit pas masquer des fragilités structurelles. »

Une structure entrepreneuriale en recomposition
Ces fragilités s’illustrent notamment par une hausse marquée des fermetures d’établissements : +31 % en 2024, pour un total de plus de 55 000 cessations d’activité, dont 95 % concernent le transport routier de marchandises. Ce chiffre brut ne reflète qu’en partie la réalité d’un secteur en pleine recomposition. Comme l’ont rappelé les intervenants lors de la conférence, une part de ces disparitions s’explique par des regroupements d’entités dans le cadre d’acquisitions ou de fusions, traduisant une dynamique de concentration progressive autour de groupes plus structurés.

Dans le même temps, la création d’entreprises avec salariés ralentit, tandis que dans le TRM, 99 % des nouveaux établissements sont unipersonnels, selon le rapport OPTL 2025. Ce modèle, majoritairement porté par des entrepreneurs individuels, se développe fortement dans le segment du dernier kilomètre. Il en résulte une polarisation accrue du tissu économique, entre d’un côté des groupes consolidés, et de l’autre une multitude de microstructures, plus vulnérables face aux aléas du marché.

Enfin, la hausse de plus de 5 % des autres coûts d’exploitation — notamment liés aux assurances, à la maintenance et aux charges sociales — continue de peser sur la rentabilité des entreprises, malgré le repli des prix du carburant observé en 2024.

Des dynamiques contrastées selon les segments
L’analyse par secteur révèle des dynamiques contrastées. Le transport sanitaire (+2,2 % d’emplois), le transport routier de voyageurs (+2 %) et les prestataires logistiques (+4,6 %) enregistrent les plus fortes hausses d’effectifs. À l’inverse, le déménagement reste orienté à la baisse, pour la deuxième année consécutive, en lien avec le recul du pouvoir d’achat des ménages. Le TRM, quant à lui, progresse de manière marginale (+0,3 %). Le segment des conducteurs de véhicules utilitaires légers connaît une progression de 4 points dans les effectifs, au détriment des conducteurs longue distance. Cette mutation du profil des emplois s’inscrit dans l’essor du dernier kilomètre, porté notamment par l’e-commerce et la livraison à domicile.
Un marché de l’emploi à la fois tendu et actif
Malgré un taux élevé d’embauches en CDI (77 %), le marché du travail reste sous tension. Près de 75 000 offres ont été diffusées en 2024, en recul de 4 %, après une baisse déjà marquée de 12 % en 2023. Cette tendance, moins marquée que dans l’ensemble de l’économie (-7 %), n’en traduit pas moins une contraction persistante de la demande.
Dans le même temps, les intentions de recrutement repartent à la hausse : 43 % des établissements interrogés déclarent vouloir embaucher ou avoir déjà recruté en 2025, soit +17 % en un an.
Mais 55 % des recrutements sont jugés difficiles, et les tensions sont critiques dans le TRS (50 %) et le TRV (45 %), en raison notamment du manque de candidats formés et disponibles.
Vieillissement des effectifs et féminisation encore limitée
La question du renouvellement générationnel reste posée avec acuité. L’âge moyen dans la branche s’établit à 44 ans et 8 mois. Dans le transport routier de voyageurs, on compte dix fois plus de salariés de plus de 50 ans que de moins de 30. Le taux de relève reste inférieur à 1 dans la majorité des activités, à l’exception notable de la logistique. En parallèle, la féminisation progresse : 20,4 % des salariés de la branche sont des femmes (contre 19,4 % en 2023), et leur part dans les métiers de la conduite atteint désormais 4 %, alors qu’elle ne dépassait pas 2 % il y a encore six ans. Mais les contraintes horaires et physiques demeurent un frein à leur accès à certains métiers, comme l’a rappelé Valérie Castay, directrice du département des études et projets AFT, lors de la conférence.

Une insertion professionnelle portée par l’apprentissage
La formation professionnelle apparaît plus que jamais comme un levier stratégique. En 2024, environ 43 000 certifications transport-logistique ont été délivrées, en baisse de 10 %, tandis que les diplômes repartent à la hausse (+11 %, soit environ 16 500 diplômes délivrés).
L’apprentissage résiste avec 6 763 contrats signés. Les taux d’insertion demeurent solides : 81 % des apprentis et 78 % des bénéficiaires de contrat de professionnalisation sont en emploi six mois après leur formation.
Le rapport met en lumière le rôle clé des certifications CAP maintenance, opérateur logistique et diplôme d’État d’ambulancier, en hausse, tandis que les titres professionnels en conduite marquent le pas.

Digitalisation : entre intentions fortes et retard à combler
Enfin, la digitalisation et l’IA viennent s’immiscer progressivement dans les pratiques professionnelles, mais restent encore peu diffusées. Si 88 % des établissements utilisent des outils numériques grand public, seuls 9 % ont intégré des solutions d’intelligence artificielle.
La géolocalisation équipe 85 % des véhicules, et 65 % des dirigeants envisagent d’avoir recours à l’IA pour la communication, 44 % pour l’optimisation des tournées. L’automatisation reste marginale (10 % des établissements), freinée par les coûts et les incertitudes réglementaires.
Selon l’OPTL, les effectifs de la branche devraient atteindre 813 732 salariés fin 2025, mais au-delà de cette projection, c’est bien l’adaptation structurelle du secteur aux transformations à venir – RH, écologie, numérique – qui sera déterminante.

Ce qu’il faut retenir
L’édition 2025 du rapport OPTL met en lumière un paradoxe central : une branche du transport et de la logistique qui continue à créer de l’emploi malgré des fondations fragilisées.
Le rythme de création d’emplois ralentit (+0,6 % en 2024) mais reste positif, avec une projection de +0,32 % pour 2025.
Le TRS et le TRV s’imposent comme moteurs de croissance, là où le TRM reste sous tension. Les difficultés de recrutement deviennent structurelles, notamment pour les métiers de la conduite. Le renouvellement générationnel ne s’opère toujours pas : les salariés de plus de 50 ans représentent près de 40 % des effectifs, avec des taux de relève faibles dans la quasi-totalité des familles professionnelles. La féminisation, bien qu’en progression, demeure cantonnée à certains métiers. La digitalisation avance à deux vitesses : les intentions sont affichées, mais les usages concrets, en particulier autour de l’IA, restent marginaux. Enfin, la formation professionnelle et l’apprentissage demeurent les leviers les plus efficaces pour accompagner les mutations à l’œuvre dans la branche.
Ce rapport 2025 confirme que le secteur du transport et de la logistique reste un pilier de l’économie nationale en matière d’emploi. Mais les lignes de faille deviennent de plus en plus visibles. Entre vieillissement des effectifs, attractivité insuffisante de certains métiers, et mutation technologique encore incomplète, les professionnels du TRM, du TRV et du TRS évoluent dans un environnement sous tension.
Le défi pour les années à venir ne sera pas uniquement de maintenir les effectifs, mais de les renouveler, de les qualifier et de les stabiliser. Pour cela, les investissements en formation, les politiques d’attractivité ciblées et une meilleure anticipation des transitions numériques et environnementales seront indispensables.
Comme l’a souligné Bruno Lefebvre en conclusion de la conférence, « Avec ce rapport, l’OPTL fournit un outil de travail. Il permet à la branche d’identifier les vrais leviers d’action dans un moment charnière pour notre filière ».
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