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TRM : alerte sur une politique énergétique à sens unique

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Face à la publication controversée d’une étude de la DGE sur les technologies alternatives au gazole, la FNTR veut réaffirmer sa position en faveur d’un mix énergétique. Le secteur du transport routier de marchandises (TRM) alerte sur les risques d’une stratégie publique centrée exclusivement sur l’électrique, potentiellement inadaptée aux divers besoins du terrain.

Des conclusions jugées partiales par la profession  : le rapport publié par la Direction générale des entreprises le 10 juillet 2025 valorise de façon exclusive les poids lourds électriques à batterie comme solution « pertinente » à court et moyen terme pour remplacer le gazole. La FNTR critique une analyse qu’elle juge orientée, occultant les réalités opérationnelles des entreprises de TRM. Pour Florence Dupasquier, présidente de la FNTR, la décarbonation ne pourra se faire qu’avec une pluralité de solutions technologiques adaptées aux usages.

flotte de poids lourds multi-énergies

Des alternatives déjà opérationnelles mais déconsidérées 

Parmi les énergies jugées stratégiques par les transporteurs, le HVO (huile végétale hydrotraitée) et le B100 sont tous deux classés Crit’Air 1, reconnaissant leurs faibles émissions polluantes. Le BioGNV, également mis en avant par la FNTR, présente un bilan environnemental favorable tout en reposant sur une filière locale, ce qui renforce la résilience énergétique nationale. Ces technologies sont d’ores et déjà en usage dans plusieurs flottes, preuve de leur maturité.

Une transition technologique sous contrainte économique 

Les choix d’investissements des transporteurs ne devraient pas être guidés par une seule doctrine technique, sans considération pour la viabilité économique et la disponibilité des infrastructures. La FNTR alerte sur le risque de fragilisation des entreprises du TRM si les aides ou les fiscalités à venir devaient exclure les motorisations alternatives autres que l’électrique. Cette approche monolithique pourrait freiner les dynamiques d’investissement et sans doute nuire à la compétitivité du secteur.

Ce que dit la DGE : un panorama comparatif rigoureux mais clivant 

L’étude publiée par la DGE, ce mois-ci, analyse cinq motorisations alternatives au diesel (électrique à batterie, hydrogène H2-PAC, B100, HVO, GNV/BioGNV) selon 14 critères répartis sur trois axes : environnemental, intérêt de l’offre actuelle pour les transporteurs, et souveraineté énergétique et industrielle.

Sur le plan environnemental, l’électrique à batterie se distingue nettement. Avec un mix électrique français, les réductions d’émissions de GES sur le cycle de vie sont estimées entre -70 % et -90 %, et de 100 % à l’échappement. En comparaison, les biocarburants (B100, HVO) et le GNV n’affichent pas d’avantages significatifs. L’analyse prend en compte la déforestation indirecte, les effets de vase communicant sur le biodiesel, la disponibilité réelle des gisements, et les fuites de méthane pour le gaz naturel. Le BioGNV, par exemple, ne représente en réalité que 3 % du GNV utilisé dans les flottes françaises. La part restante proviendrait de gaz fossile.

Concernant les polluants atmosphériques, seuls l’électrique et l’hydrogène (produit de manière décarbonée) permettent une réduction massive des NOx et particules fines. En matière de bruit, les véhicules électriques offrent une réduction de -40 à -80 % en phase de roulage, et quasi-totale à l’arrêt.

Cependant, sur le plan économique, l’électrique reste aujourd’hui la technologie la plus coûteuse à l’acquisition (+100 à +200 %), même si son TCO est partiellement compensé par de moindres coûts d’exploitation (+20 à +40 % en moyenne). Le H2-PAC affiche un coût d’usage encore plus élevé, tandis que les solutions thermiques restent proches du diesel, à l’achat comme à l’usage.

En termes de souveraineté industrielle, le rapport met en avant un taux d’assemblage en France de 85 % pour les poids lourds électriques, contre 10 % pour le GNV et 75 % pour les PL B100. Le HVO, lui, est importé à plus de 90 %, majoritairement hors UE. En outre, le taux de retour énergétique (TRE) est très favorable à l’électrique (~8x celui du diesel), alors qu’il reste faible pour les biocarburants et le GNV.

Enfin, le rapport insiste sur la disponibilité structurelle des énergies. L’électricité est produite en France, tandis que les autres carburants reposent encore largement sur des importations (jusqu’à 97 % pour le GNV). Le H2 reste en question, le potentiel dépendra du développement de la production locale par électrolyse.

Le point de vue des soutiens au BioGNV 

Des acteurs de la filière énergie et transport, dont la FNTR, l’Union TLF ou encore l’ACEA, soulignent que le BioGNV reste une alternative pertinente à court et moyen terme. Produit à partir de déchets organiques (boues, effluents, résidus agricoles), il permet une réduction des émissions de CO₂ de 77 à 84 % sur le cycle de vie. Son avantage repose sur une maturité industrielle et une compatibilité avec les flottes actuelles, dans un contexte où l’électrification reste coûteuse et techniquement limitée à certains segments. Ces acteurs plaident pour le maintien d’une neutralité technologique au niveau européen, et pour une clause de revoyure des réglementations en 2025 et 2027, afin d’intégrer les retours d’expérience terrain. Le BioGNV n’est pas opposé à l’électrique, mais en constitue un complément robuste dans le cadre d’un mix énergétique pluraliste.

La position de l’ACEA au niveau européen 

L’Association des Constructeurs Européens d’Automobiles (ACEA) appelle régulièrement à une neutralité technologique dans les politiques de décarbonation du transport. Elle souligne que les objectifs très ambitieux du règlement CO₂ pour les poids lourds (jusqu’à -90 % d’ici 2040) ne pourront être atteints qu’en combinant plusieurs technologies : électrification, biocarburants durables, hydrogène, mais aussi gaz renouvelables.

L’ACEA insiste sur l’importance de soutenir les investissements industriels sur toutes ces filières, y compris le développement des infrastructures de recharge et d’avitaillement, sans exclure a priori certaines options. Elle défend également l’intégration des carburants renouvelables dans les calculs de conformité réglementaire, afin de valoriser l’ensemble des efforts réalisés en matière de GES sur le cycle de vie.

Pourquoi le mix énergétique est remis en question ? 

La remise en cause du mix énergétique dans certaines analyses officielles résulte d’un raisonnement fondé sur l’optimisation des objectifs climatiques à moyen terme. L’électrification directe présente, en effet, les meilleures performances en matière de GES, d’efficacité énergétique, et d’indépendance nationale, ce qui en fait un levier privilégié pour atteindre les objectifs de neutralité carbone. Toutefois, cette approche comporterait des limites opérationnelles :

  • Elle suppose une massification rapide des infrastructures électriques et un accès généralisé aux points de charge haute puissance, encore loin d’être disponibles dans tous les territoires.
  • Elle ignore les efforts industriels déjà engagés autour de filières françaises de biocarburants ou de BioGNV.
  • Elle réduit la capacité d’adaptation des entreprises aux contextes locaux, aux typologies de missions (urbain, régional, longue distance), et aux contraintes financières.
  • En discréditant des motorisations compatibles avec les flottes actuelles et déjà déployées, on peut prendre le risque d’un ralentissement des investissements, d’une fracture entre grands groupes et PME, et d’un désalignement entre ambitions politiques et capacités industrielles. Le mix énergétique est donc défendu non pas comme une posture conservatrice, mais comme une stratégie de transition souple, progressive et économiquement soutenable.

Vers une politique de transition plus pragmatique ? 

Alors qu’une étude de l’ADEME est attendue d’ici fin 2025 pour hiérarchiser l’utilisation des biocarburants, la FNTR appellerait à un dialogue technique ouvert avec les pouvoirs publics. L’avenir de la décarbonation du transport routier passerait selon elle par une combinaison de solutions adaptées aux usages, aux territoires et aux calendriers industriels, et non par une standardisation imposée.

CGM pour Truckeditions

Plus d’infos sur la FNTR

Lien vers l’étude ANALYSE DES TECHNOLOGIES ALTERNATIVES AUX POIDS
LOURDS DIESEL POUR LE TRANSPORT ROUTIER DE
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