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Solutrans 2025 : comment MAN veut rendre le camion décarboné compétitif ?

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Le principal rendez-vous de la filière TRM en cette fin d’année a servi de scène à une démonstration très construite de la stratégie de décarbonation de MAN. Le constructeur a abordé à la fois les questions de climat, de coûts d’exploitation, de biocarburants, de camions électriques et hydrogène, en s’adressant clairement à un public de transporteurs pour qui la question centrale n’est pas seulement technologique, mais économique.

Sur le stand MAN Truck & Bus, la conférence réunissait Roman Sitte, Head of Sales Area Europe, MAN Truck & Bus SE, Carla Detrieux, responsable développement zéro émission pour l’Europe, Quentin Chataignier, Truck eMobility Manager MAN Truck & Bus France, Pierre Vallet, directeur commercial camions France, et Jean-Yves Kerbrat, président de MAN Truck & Bus France. Ensemble, ils ont déroulé un message cohérent : la transition énergétique du camion ne se fera ni en un seul temps, ni avec une seule énergie, et elle doit rester compatible avec la réalité des flux et des marges transporteurs.

Roman Sitte a résumé le ton de la séquence en une phrase : « Nous devons sortir des énergies fossiles, mais nous devons le faire en gardant vos entreprises compétitives. » L’enjeu était posé.

MAN : une stratégie multi-énergies pour un camion décarboné compétitif

Un secteur sous contrainte climatique… et budgétaire

Pour planter le décor, Roman Sitte a rappelé le poids du transport dans les émissions européennes. Le sujet n’est plus théorique : il structure désormais les décisions politiques et réglementaires qui touchent directement les transporteurs.

En 2022, le transport représentait 28,9 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne. Les poids lourds, à eux seuls, en généraient environ 6 % — faisant du transport routier de marchandises un levier prioritaire de décarbonation pour les décideurs.

Et la pression ne vient pas seulement du climat. L’extension du système européen d’échange de quotas aux carburants routiers renchérit chaque année le coût du diesel. En outre, les nouvelles normes CO₂ pour les poids lourds imposent des baisses rapides d’émissions par kilomètre. Les zones à faibles émissions (ZFE) limitent l’accès à certaines zones en fonction des vignettes Crit’Air, tandis que la volatilité du prix de l’énergie complique les plans d’investissement.

La réponse de MAN Truck & Bus, telle qu’elle a été présentée à Solutrans, consiste donc à organiser une transition multi-énergies, en liant chaque choix technologique à une équation simple : que coûtera demain un kilomètre roulé, selon l’énergie choisie et le métier exercé ?

première mondiale du MAN eTGL frigorifique
Première mondiale pour MAN eTGL frigorifique présenté à Solutrans 2025

Une feuille de route multi-énergies assumée

À Lyon, MAN a réaffirmé sa conviction : le transport routier peut s’affranchir des énergies fossiles, à condition de combiner les bons leviers technologiques. Cette vision s’est traduite sur son stand par plusieurs annonces : la première mondiale du MAN eTGL frigorifique, l’extension du moteur D30 compatible B100, la première apparition en France du hTGX hydrogène, que nous avions découvert au printemps en Autriche, et le lancement du service MAN Charging 360.

Le message était clair : sortir du diesel devient techniquement possible et économiquement crédible pour une part croissante des usages. MAN mise sur une approche pragmatique, combinant électrique à batteries, biocarburants et hydrogène selon les types de missions, tout en assumant une transition progressive et différenciée.

« L’électrique va jouer un rôle central, mais il ne peut pas tout faire, partout et tout de suite », a résumé Roman Sitte.

Biocarburants : un levier immédiat pour le parc thermique

Pour MAN Truck & Bus France, les biocarburants ont déjà pris une place importante. Pierre Vallet a rappelé que, du 1ᵉʳ janvier à fin septembre 2025, ils avaient représenté près de 20 % des immatriculations de la marque en France. Dans le même temps, les estimations internes montraient un marché global plus timide. Le biogaz pesait environ 2 %, le HVO 3 %, le B100 compatible 5,5 % et le B100 exclusif 5,7 %. Chez MAN, le HVO atteignait environ 2 % des ventes, le B100 compatible 9,2 % et le B100 exclusif 9,6 %.

« Le B100 est aujourd’hui notre levier le plus concret pour décarboner le thermique », a résumé Pierre Vallet.

Concernant le B100 et le moteur D30, MAN a présenté les tracteurs PowerLion TGX et TGS de 480 et 520 ch, homologués en B100 exclusif grâce au capteur MAN GreenLion, qui contrôle la qualité du carburant. Pour d’autres motorisations, la solution MAN GreenBox assure une fonction similaire, via une analyse par spectrométrie.

L’intérêt de cette offre se jouerait sur trois plans selon le constructeur. D’abord, la réduction de CO₂, sans rupture dans les métiers ni dans l’atelier. Ensuite, la compatibilité avec les ZFE grâce à la vignette Crit’Air 1, réservée aux véhicules B100 exclusifs. Enfin, l’avantage fiscal avec le suramortissement, qui viendrait compenser une partie de l’écart de coût à l’achat.

Pierre Vallet a insisté sur un point qui parle aux exploitants : « Ce sont des camions que vous savez déjà faire rouler, mais avec un bilan carbone et un cadre réglementaire plus favorables. »

MAN annonce par ailleurs des gains de consommation sur la nouvelle chaîne cinématique D30, avec jusqu’à 5 % de réduction par rapport à la génération précédente, et un rendement pouvant atteindre 50 %. Pour un transporteur régional, un acteur du BTP ou un spécialiste de la benne, ces éléments peuvent composer une solution de transition immédiatement mobilisable, sans attendre la disponibilité des eTrucks sur toutes les lignes.

MAN eTrucks tracteurs et MAN Charging 360
MAN eTrucks tracteurs et MAN Charging 360

Camions électriques : le passage à l’échelle

La deuxième brique stratégique, mise en avant lors de l’événement, concerne les camions électriques. Carla Detrieux et Quentin Chataignier ont insisté sur la maturité de l’offre.

« Il y a deux ans, on se demandait encore si le camion électrique allait vraiment s’installer. Aujourd’hui, la question, c’est comment ne pas rater ce virage », a résumé Quentin Chataignier.

La gamme eTGX et eTGS couvre désormais plusieurs tonnages. Les batteries, produites à Nuremberg, sont proposées en différentes configurations pour s’adapter aux usages. L’enjeu n’est plus seulement de démontrer qu’un eTruck peut rouler, mais de montrer qu’il peut rouler tous les jours, dans des conditions réalistes, avec un TCO potentiellement maîtrisé.

Solutrans 2025 a aussi servi de scène à la première mondiale du MAN eTGL 12 tonnes équipé d’une carrosserie frigorifique. Ce porteur adresse directement la distribution urbaine et périurbaine. Il délivre une charge utile pouvant atteindre 6,6 tonnes et une capacité utile de batteries d’environ 160 kWh. L’autonomie annoncée est de 260 km pour la version frigorifique, et jusqu’à 310 km pour une caisse sèche sans recharge intermédiaire. La recharge rapide de 10 à 80 % en une trentaine de minutes permet d’envisager une autonomie journalière proche de 470 km en combinant pauses et recharges ciblées.

Carla Detrieux a replacé ce modèle dans une vision plus large : « La distribution urbaine est l’un des terrains où l’on voit le plus vite les bénéfices du zéro émission : pour la qualité de l’air, pour le bruit, mais aussi pour l’attractivité du métier. »

L’accès à la cabine, la répétition des montées et descentes et les conditions de travail des conducteurs ont été intégrés dans le cahier des charges.

Au moment de la conférence, près de 400 camions électriques MAN avaient déjà cumulé plus de 9 millions de kilomètres en Europe, avec une consommation moyenne d’environ 93 kWh/100 km selon les données Rio à la mi-octobre 2025.

Quentin Chataignier l’a traduit en termes simples : « On constate que nos clients reviennent très souvent au dépôt avec de la marge. Cela veut dire que la technologie est plus confortable que ce qu’ils imaginaient. »

Infrastructures et coût d’usage : une approche intégrée

Sur la question centrale de la recharge et du coût d’exploitation, MAN veut miser sur une approche globale plutôt que sur un type d’infrastructure unique. L’écosystème MAN Charging 360, développé avec EDF, associe véhicule, conseil, installation des bornes et fourniture d’électricité.

L’objectif : simplifier l’électrification pour les transporteurs, en particulier les PME, grâce à une offre clé en main et une carte de recharge sans abonnement. MAN s’appuie à la fois sur les réseaux en cours de déploiement (comme celui de Milence ou les points de charge installés avec Izivia), et sur un pilotage intelligent de la recharge.

Le constructeur a illustré cette approche avec un cas d’usage développé en partenariat avec EDF : sur 5 années et 90 000 km par an, le TCO d’un eTGX pouvait s’avérer comparable, voire inférieur, à celui d’un tracteur diesel équivalent, grâce aux aides disponibles, au suramortissement et à un coût d’énergie maîtrisé autour de 0,17 €/km.

hTGX, tracteur hydrogène à moteur à combustion interne, récompensé par le Truck Innovation Award 2025
hTGX, tracteur hydrogène à moteur à combustion interne, récompensé par le Truck Innovation Award 2025

Hydrogène : une option ciblée pour le très lourd

Le dernier pilier, supporté par Jean-Yves Kerbrat, concernait l’hydrogène. MAN présentait son hTGX, tracteur hydrogène à moteur à combustion interne, déjà récompensé par le Truck Innovation Award 2025. Là encore, le discours est resté mesuré.

« L’hydrogène ne remplacera pas l’électrique. Il viendra en complément, là où la batterie ne peut pas répondre », a posé d’emblée Jean-Yves Kerbrat.

Le MAN hTGX s’appuie sur le moteur H4576 de 16,8 litres, dérivé du bloc D38. Il développe 520 ch pour un couple de 2 500 Nm entre 900 et 1 300 tr/min. L’hydrogène est stocké à 700 bars dans des réservoirs totalisant 56 kg. L’autonomie annoncée peut atteindre 600 km, avec des pleins réalisés en moins de quinze minutes. Le véhicule entre dans la catégorie « zéro émission » au sens de la nouvelle réglementation européenne sur le CO₂ pour les poids lourds, avec des émissions inférieures à 1 g de CO₂/kWh.

MAN ne masque pas les limites actuelles du modèle avec un coût de production de l’hydrogène vert qui reste élevé. Le TCO d’un camion hydrogène dépasse encore nettement celui d’un diesel ou d’un électrique à batteries.

Jean-Yves Kerbrat l’a formulé sans détour : « Aujourd’hui, l’hydrogène n’est pas une solution de masse. C’est une carte que l’on prépare pour certains usages bien précis. »

Une première série d’environ 200 camions hTGX doit être livrée à partir de la fin 2025 dans le cadre de projets pilotes.

Partenariat Fraikin : décarboner sans s’endetter

La question de la capacité d’endettement a aussi été explicitement abordée. Le 17 novembre, à la veille de l’ouverture du salon, MAN Truck & Bus France et Fraikin France ont signé un partenariat pour proposer des camions électriques MAN en location. L’objectif est de permettre aux transporteurs d’accéder à l’eTruck sans immobiliser trop de capital, dans un contexte où le coût d’acquisition reste sensiblement plus élevé que celui d’un diesel.

Ce choix s’inscrit dans une tendance de fond. Selon Fraikin, la location représente déjà environ un tiers du marché des camions électriques neufs en France.

Olivier Renard, directeur général Fraikin France, résume l’enjeu en une phrase : « L’électrification des flottes repose sur des partenariats solides. »

Jean-Yves Kerbrat y voit un prolongement logique de la feuille de route MAN : proposer des solutions de mobilité électriques crédibles, sans pénaliser la capacité d’investissement des entreprises de transport.

Pour les transporteurs, une trajectoire à composer métier par métier

Chez MAN, la transition énergétique ne se décrète pas — elle se construit, selon les usages. Un même groupe pourra mobiliser un tracteur électrique pour une liaison inter-hub, un porteur frigorifique eTGL en zone urbaine, ou du B100 pour des tournées régionales. L’hydrogène, lui, visera des lignes lourdes, sur des axes bien identifiés.

Avec MAN Charging 360, le constructeur entend montrer que ce basculement peut se faire sans rupture économique, en combinant performances réelles, aides, contrats d’énergie et optimisation de la recharge. L’approche repose sur des repères concrets : non plus une promesse générale, mais une comparaison ligne à ligne des coûts d’exploitation.

Ce dispositif est complété par l’offre de location Fraikin, qui permet aux transporteurs d’expérimenter l’électrique sans contrainte d’investissement immédiat.

« Il n’y aura pas une seule bonne solution, il y aura des combinaisons », résume Carla Detrieux. MAN articule une stratégie multi-énergies réaliste, où chaque transporteur est invité à vérifier, chiffres en main, ce qui s’applique à ses flux, à ses contraintes, et à ses marges.

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