Neotrucks, le tracteur de parc rétrofité qui bouscule les habitudes des sites logistiques
À Solutrans, au milieu des annonces de nouveaux véhicules routiers et de solutions de décarbonation, Neotrucks a occupé un terrain plus discret mais stratégique : celui du tracteur de parc électrique, issu du rétrofit et dédié aux parcs fermés. À la croisée de l’économie circulaire, de la logistique et de l’électromobilité, l’entreprise présidée par Yves Giroud positionne son tracteur de parc comme un outil industriel à part entière, pensé pour le TCO, l’ergonomie et la continuité d’exploitation.
Ne pas rouler sur route ouverte, mais optimiser chaque manœuvre sur site logistique : c’est le cœur de la proposition de Neotrucks. Classé dans la catégorie réglementaire des engins spéciaux et bridé à 25 km/h, le tracteur de parc circule exclusivement en parc fermé, sur des sites industriels, logistiques ou aéroportuaires. L’enjeu n’est pas de remplacer un tracteur routier, mais de professionnaliser la traction interne des semi-remorques, avec un véhicule électrique conçu pour ces opérations spécifiques.

Un tracteur 100 % électrique né du rétrofit et de l’économie circulaire
La singularité du projet tient d’abord à son ADN : Neotrucks ne part pas d’une feuille blanche. L’entreprise récupère des tracteurs routiers Renault Trucks en fin de première vie commerciale, les démonte dans le réseau industriel du constructeur, puis les reconstruit en tracteurs de parc électriques à usage logistique. Ce qui peut être valorisé est reversé dans les canaux de pièces d’origine, tandis que le châssis et la structure sont conservés et reconfigurés pour un nouvel usage de traction interne.
Les opérations de démontage sont réalisées dans le site d’adaptation de Renault Trucks, qui retire moteur thermique, boîte, échappement, réservoirs et éléments de cabine devenus inutiles pour un tracteur de parc. Environ 80% des organes déposés sont recyclés dans les flux de pièces détachées du constructeur. Le véhicule repart ensuite en configuration de « carcasse prête à être électrifiée », avec pont et suspensions conservés, mais une nouvelle tête de pont plus courte, adaptée à la vitesse maximale de 25 km/h et à la recherche de couple plutôt que de vitesse.
La chaîne de traction électrique et les batteries sont fournies par Novum Tech, une jeune société issue du CEA, qui a développé une technologie de modules NMC immergés dans un liquide diélectrique. Chaque pack de 12 kWh est placé dans un caisson qui, une fois rempli de fluide, assure à la fois le refroidissement et la protection des cellules. L’objectif est double : stabiliser la température de fonctionnement pour préserver le lithium et rendre la batterie réparable par modules. En cas de défaut, il est possible de remplacer un module ou un sous-ensemble.
Autonomie et charge flexible, pensées pour les “shifts”
L’autonomie est une dimension centrale pour les exploitants, mais elle se mesure ici en heures de service plutôt qu’en kilomètres. Neotrucks revendique une consommation moyenne comprise entre 4 et 7 kWh par heure selon les sites et les profils d’utilisation, avec une dotation standard de batteries à 110 kWh. Dans la pratique, le tracteur de parc tient entre dix et quatorze heures d’exploitation, en intégrant les phases de traction, de chauffage ou de climatisation cabine et les temps d’arrêt.
La logique d’exploitation se calque sur les “shifts” des sites logistiques. L’enjeu pour un directeur d’entrepôt n’est pas de connaître un rayon d’action, mais de savoir si son tracteur de parc peut assurer un, deux ou trois postes successifs sans recharge intermédiaire.
Concernant la recharge, Neotrucks a choisi la flexibilité. Le tracteur de parc est livré avec un chargeur embarqué en courant alternatif, permettant une charge jusqu’à 22 kW sur une simple prise industrielle 32 A. Sur des sites fortement sollicités, des bornes en courant continu jusqu’à 80 kW prennent le relais, divisant par quatre le temps de charge. Cette double compatibilité AC et DC ouvre plusieurs scénarios : charge lente sur prise existante pour des sites à flux modéré, ou infrastructure en courant continu plus robuste pour des plateformes où le tracteur ne s’arrête jamais très longtemps.
Ergonomie cabine et nouveaux profils de conducteurs
Au-delà de la technique, Neotrucks travaille l’ergonomie comme un argument central. Pour les exploitants, le poste de tracteur de parc est souvent difficile à pourvoir et à fidéliser. Les manœuvres répétitives et la conduite à basse vitesse en site fermé constituent un métier à part, éloigné du profil routier longue distance. Dans ce contexte, la cabine de base issue d’un tracteur routier, intégralement reconfigurée en plancher plat avec une hauteur intérieure permettant de se tenir debout, peut changer potentiellement l’expérience.
À la différence des cabines monoplace typiques des tracteurs de parc spécialisés, où tout est vitré et où l’on subit directement le froid ou la chaleur, la cabine Neotrucks conserve le niveau de confort d’un tracteur routier, avec isolation, chauffage et climatisation d’origine. Le volume disponible permet d’accueillir plusieurs personnes en même temps lors des formations ou des prises en main, ce qui simplifie la transmission des procédures et l’accompagnement des nouveaux conducteurs.
Les profils de conducteurs évoluent d’ailleurs avec cette ergonomie et la simplicité de conduite électrique. Deux populations se dessinent. D’un côté, des conducteurs expérimentés, anciens routiers habitués aux manœuvres de semi-remorques, pour lesquels la prise en main est rapide. De l’autre, des caristes ou opérateurs d’entrepôt attirés par un poste extérieur, mais qui n’ont jamais manœuvré treize mètres de marchandise à quai. Pour cette seconde catégorie, Neotrucks structure des parcours de formation dédiés, sur trois jours, avec des formateurs agréés et des exercices pratiques sur site.
TCO et énergie : un différentiel porté par l’électrique
Sur le plan économique, la comparaison avec les tracteurs de parc thermiques traditionnels est directe. Un tracteur de parc thermique neuf de type Terberg se situe autour de 130 000 euros, soit le niveau d’un tracteur routier neuf. En version électrique, le même type d’engin peut atteindre entre 260 000 et 320 000 euros selon la dotation batterie. Neotrucks annonce un positionnement intermédiaire, entre 180 000 et 220 000 euros selon la capacité installée.
Le différentiel de prix unitaire reste important par rapport à un thermique, mais c’est sur l’énergie que le TCO bascule. Un tracteur de parc diesel consomme typiquement entre 6 et 8 litres de gazole à l’heure, pour environ 2 000 heures d’exploitation annuelle. Le poste carburant devient rapidement l’une des premières lignes du coût d’exploitation. À consommation égale en usage, soit environ 6 kWh par heure, et pour un tarif moyen d’électricité industrielle compris entre 0,16 et 0,20 euro du kWh, Neotrucks estime que l’énergie électrique est de l’ordre de six à sept fois moins coûteuse que le gazole à usage équivalent.
Un boîtier de suivi embarqué remonte en continu ces données d’utilisation. Chaque tracteur transmet en temps réel consommation, heures de roulage, temps d’arrêt, état des batteries et kWh consommés sur une période donnée. Les exploitants disposent ainsi de leurs indicateurs consolidés par jour, semaine, mois ou année, et peuvent calculer précisément la part énergie dans leur TCO.
« Nos clients savent au kWh près ce qu’ils consomment et combien de tonnes de CO₂ ils évitent grâce au passage à l’électrique », explique Yves Giroud. Au-delà de la seule facture d’énergie, les données sont intégrées aux bilans RSE pour valoriser les réductions d’émissions par rapport à un parc thermique de référence.
Un levier d’organisation pour les sites logistiques et industriels
En pratique, le tracteur de parc électrique rétrofité change aussi l’organisation opérationnelle des sites. L’exemple évoqué par Yves Giroud chez Purina illustre cette bascule. L’industriel s’appuyait jusqu’ici sur un prestataire externe, camion et conducteur inclus, présent sur une plage horaire limitée. Les besoins de manœuvres nocturnes ou en dehors de ce créneau obligeaient parfois à attendre le retour du prestataire, au détriment de la continuité de production.
En internalisant un tracteur de parc Neotrucks et en formant plusieurs salariés à sa conduite, Purina a gagné en autonomie sur ses flux internes. Les semi-remorques peuvent être déplacées à toute heure, sans dépendre des disponibilités d’un tiers. Le cas est similaire chez des distributeurs comme Boulanger ou des plateformes logistiques d’enseignes alimentaires, où les fenêtres de manœuvres sont étroitement liées aux horaires de préparation de commandes et de chargement.
Le champ d’application dépasse les entrepôts traditionnels. Neotrucks a déjà déployé ses véhicules dans deux aéroports, où ses tracteurs de parc et porteurs de cuve électriques assurent des missions d’avitaillement pour TotalEnergies. Le même châssis rétrofité, allongé, porte une cuve de 20 000 litres et équipe les opérations de plein d’avions et d’hélicoptères sur site.
Dans le domaine du colis, un porte-caisses développé par Neotrucks vient de démarrer une campagne de tests chez Colissimo, sur la base d’un véhicule adapté au déplacement de caisses mobiles.

Capacités industrielles et montée en puissance progressive
Au-delà du prototype, la question de la capacité de production est centrale pour rassurer les clients. Neotrucks s’appuie sur un triptyque industriel. Renault Trucks assure la sélection et la préparation des châssis en fin de première vie, dans son site d’adaptation de Bourg-en-Bresse. Brevet Carrosserie, spécialisée dans les transformations de véhicules industriels, réalise la découpe des cabines, la création des planchers plats et l’aménagement spécifique des postes de conduite. Un second partenaire carrossier, Trouillet, situé à proximité, prend également en charge une partie des véhicules.
Selon Yves Giroud, Brevet Carrosserie est en mesure de produire entre quatre et six tracteurs de parc Neotrucks par mois, tandis que Trouillet peut en assembler deux à trois. Cette configuration permet d’absorber une montée en charge progressive du marché, avec la possibilité, en lien avec Renault Trucks, de renforcer encore la capacité si la demande s’accélère. À ce stade, Neotrucks revendique une trentaine de tracteurs de parc livrés, tous en 100 % électrique, sans gamme thermique au catalogue.
Le marché adressé reste un segment de niche, en volume, à l’échelle européenne. Les estimations avancées par Yves Giroud parlent d’environ 3 000 tracteurs de parc par an en Europe, toutes marques confondues. La stratégie de l’entreprise consiste à consolider sa position sur ce segment en France, puis à étendre progressivement ses solutions à d’autres typologies de véhicules pour sites fermés.
Circularité, RSE et perspectives dans la filière TRM
En choisissant de partir d’un châssis d’occasion pour en faire un engin spécialisé électrique, Neotrucks s’inscrit pleinement dans un dispositif d’économie circulaire. Selon l’entité, chaque tracteur de parc rétrofité est un véhicule routier qui ne sera pas produit à neuf pour cet usage, avec à la clé une économie de matière première, principalement d’acier, et une prolongation de la durée de vie utile du châssis.
Pour l’heure, Yves Giroud constate que cette dimension n’est pas toujours pleinement intégrée dans les bilans RSE des grands groupes. Les interlocuteurs opérationnels, concentrés sur le prix et l’ergonomie, n’ont pas forcément la main sur la valorisation fine des gains d’émissions et d’économie de matière. Mais la trajectoire réglementaire et les attentes des donneurs d’ordre laissent penser que cet argument de circularité prendra de plus en plus de poids dans les décisions d’investissement.
Dans ce contexte, le tracteur de parc électrique rétrofité que Neotrucks met en avant à Solutrans illustre un mouvement de fond : celui d’une électrification pragmatique des flux internes, basée sur la reconversion d’actifs existants, sur la maîtrise du TCO et sur des partenariats industriels étroits entre constructeur, carrossiers et start-up. Une approche qui parle directement aux exploitants de la filière TRM, souvent plus sensibles à la continuité de service et au coût complet qu’aux seules promesses technologiques.
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