Transport routier : quelles motorisations alternatives chez Iveco en 2025 ?
C’est devant un parterre de journalistes français spécialisés, lors des S-Way Experience Days organisés à Madrid, que Clément Chandon, Responsable des énergies alternatives chez Iveco France, a exposé les orientations du constructeur en matière de décarbonation du transport routier. Un exposé dense, technique, mais limpide quant à l’ambition affichée : offrir une gamme multi-énergies réaliste, flexible, et mesurable en termes d’impact environnemental.
Le cycle de vie comme clé d’analyse carbone
« Notre ambition, c’est d’être un constructeur multi-énergies avec une approche technologique agnostique », affirme d’emblée Clément Chandon.
Une déclaration qui résume bien la ligne Iveco : refuser les solutions uniques, adapter les technologies aux usages réels, et fonder les décisions sur des résultats concrets en matière de carbone et de coût total de possession (TCO).
L’un des messages clés de l’intervention : pour décarboner efficacement, il faut raisonner en cycle de vie.
« Le seul calcul qui ait du sens pour la planète, ce n’est pas celui imposé aujourd’hui par l’Europe, qui se limite à mesurer ce qui sort du pot d’échappement, mais bien celui qui considère l’ensemble du cycle de vie », souligne-t-il.
Cela inclut la production du véhicule, de l’énergie, l’usage opérationnel, et le recyclage. Une approche devenue incontournable avec l’entrée en vigueur de la directive CSRD, qui impose aux entreprises cotées de publier leurs performances carbone globales.
Clément Chandon détaille ensuite les spécificités de chaque énergie alternative.
Biogaz : performance environnementale maximale
Le biogaz, en particulier celui issu des effluents d’élevage, présente un double avantage : il génère de l’énergie tout en créant un puits de carbone grâce au retour du compost au sol. Cette circularité permet d’atteindre, dans certains cas, un bilan carbone négatif.
« Utilisé avec du bioGNC issu de méthanisation agricole, un véhicule Iveco affiche un bilan pouvant atteindre –121 g CO₂/km en cycle de vie, contre +1 165 g pour un diesel standard », précise-t-il.
En revanche, il met en garde contre la méthanisation de cultures dédiées, désormais en recul en Europe. Un point de réserve est à noter concernant les quantités potentiellement requises pour une exploitation viable, tout est toujours une question de contexte et d’échelle.
Électricité : un gain net conditionné au mix énergétique
Du côté de l’électricité, la France bénéficie d’un mix très bas carbone grâce au nucléaire et aux renouvelables, ce qui améliore nettement l’impact carbone à l’usage. Mais Clément Chandon rappelle que la production d’un véhicule électrique reste plus émissive en amont que celle d’un thermique, ce qui impose une lecture globale du cycle de vie pour évaluer correctement ses bénéfices. Cette différence provient en grande partie de la fabrication des batteries, très énergivore, qui alourdit le bilan carbone initial du véhicule électrique. Cependant, cet écart est progressivement compensé au fil des kilomètres parcourus, grâce à un usage nettement moins émetteur, surtout dans les pays où le mix électrique est faiblement carboné. Autrement dit, plus l’électricité nationale est produite à partir de sources peu émettrices comme le nucléaire ou les énergies renouvelables, plus le véhicule électrique est pertinent d’un point de vue environnemental.
Hydrogène : un potentiel encore limité
Quant à l’hydrogène, il souligne ses limites actuelles : « L’électrolyse consomme trois à quatre fois plus d’énergie que l’usage direct de l’électricité. »
Pour que l’hydrogène soit véritablement bas carbone, il doit impérativement être produit à partir d’électricité très faiblement carbonée. À défaut, il devient contre-productif sur le plan énergétique.
Une gamme électrique pensée pour les usages réels
Concernant l’électrique, Iveco déploie aujourd’hui une gamme complète, du véhicule utilitaire léger jusqu’au porteur 29 t, bientôt suivi par un tracteur. Les batteries (NMC 800 V), produites à Turin par le groupe, offrent des capacités utiles allant de 280 à 490 kWh. Selon les configurations, elles assurent une autonomie jusqu’à 527 km, avec une recharge rapide (350 kW DC) permettant un passage de 20 % à 80 % en 45 à 60 minutes.
Le moteur FPT développe 480 kW (645 ch), et l’ensemble du système est conçu pour optimiser la performance énergétique et la durabilité. Clément Chandon souligne que ces batteries sont conçues pour parcourir jusqu’à 1,2 million de kilomètres en conservant au moins 70 % de leur capacité initiale. Leur densité énergétique atteint 245 Wh/kg et elles visent une durée de vie de 2 500 cycles complets. L’énergie utilisable est calibrée à 85 %, sans perte de performance, ce qui garantit une exploitation fiable sur plusieurs cycles de mission. Ce ratio élevé permet potentiellement d’optimiser l’autonomie réelle du véhicule sans compromettre la durée de vie de la batterie, un point crucial pour les flottes à usage intensif.
Iveco a également anticipé les enjeux de carrossage : empattements de 3 700 à 6 700 mm, compatibilité avec les équipements spécifiques (grues, bennes, groupes froids), et interface conducteur entièrement numérique avec affichage de l’état de charge, de la température, et du « state of health » batterie par batterie. Des ePTO* alimentent les auxiliaires (frigo, hydraulique), et un freinage par résistance garantit la sécurité même avec une batterie pleine.
Enfin, le constructeur a intégré une résistance de 180 kW pour permettre le freinage en descente à 100 % de charge. Cette stratégie, testée en conditions réelles, vise à garantir la sécurité et l’interopérabilité avec l’écosystème électrique, y compris la compatibilité des stations de recharge en Europe (Cela signifie que les véhicules sont conçus pour pouvoir se recharger sur l’ensemble des infrastructures existantes dans l’Union européenne, malgré les différences de normes, de puissances ou de connecteurs selon les pays).
Comparatif énergétique poids lourds : TCO, CO₂ et dynamique marché ?
Clément Chandon détaille plusieurs scénarios réels d’exploitation pour illustrer les écarts actuels entre technologies. Sur un porteur 6×2 parcourant 55 000 km/an, le coût total de possession (TCO) électrique est encore supérieur de 23 % à celui d’un diesel classique, principalement en raison du prix d’achat et de la fiscalité énergétique. Mais le bilan carbone sur cycle de vie révèle une baisse de 80 % des émissions de CO₂, accompagnée d’une réduction de 15 % de l’énergie primaire consommée. Par exemple, un porteur électrique émet 178 g CO₂/km sur cycle de vie, contre 1 165 g pour un équivalent diesel.
Il précise également les indicateurs de performance par tonne de CO₂ évitée : environ 265 €/t pour l’électrique, contre 6 €/t pour le bioGNC. Ce ratio met en évidence une tension entre performance environnementale et efficacité économique, qui justifie selon lui la cohabitation temporaire des solutions.
« Ce n’est pas une technologie contre une autre, c’est un ensemble de leviers qu’il faut activer en fonction des usages et des territoires », insiste-t-il.
Autre élément abordé : la fiscalité sur les énergies alternatives. Si l’électrique bénéficie de subventions à l’achat, le bioGNC souffre de son indexation sur les prix du gaz fossile, malgré ses performances carbone bien supérieures. L’introduction d’un signal prix carbone (via le prix de la tonne de CO₂) pourrait selon lui rééquilibrer les choix industriels.
Les chiffres d’immatriculations peuvent confirmer la bascule en cours : fin 2024, 12,9 % des poids lourds neufs >7,5 t en France n’étaient plus diesel. Le HVO progresse, le GNV reste stable, et l’électrique connaît une forte dynamique en 2025. Selon les estimations internes Iveco, 20 % des ventes neuves pourraient être électriques d’ici 2030 sur les segments porteurs et urbains, à condition que les infrastructures suivent.
Une stratégie multi-énergies assumée, pour une transition réaliste
« Plus on a d’options, plus on va vite. Et nos clients veulent ce choix », conclut Clément Chandon.
Cette phrase incarne la philosophie pragmatique défendue par Iveco : faire coexister plusieurs technologies pour mieux répondre à la diversité des contraintes, des territoires et des maturités énergétiques.
Clément Chandon insiste sur le fait que le rythme de la transition ne peut être édicté de manière uniforme à l’échelle européenne. Il insiste sur la nécessité d’adapter les solutions aux usages concrets et aux réalités territoriales, plutôt que d’imposer une norme unique à tous les pays européens. Il plaide pour une vision plus souple, ancrée dans la réalité opérationnelle des transporteurs : infrastructures disponibles, autonomie nécessaire, fiscalité applicable, niveau de maturité des carburants alternatifs.
« On ne peut pas imposer la même solution à un transporteur de marchandises générales dans la Beauce et à un distributeur urbain à Lyon », ajoute-t-il.
Ce pragmatisme revendiqué alimente l’approche d’Iveco, où l’objectif semble d’offrir une gamme cohérente, prête à évoluer avec le cadre réglementaire et les innovations technologiques.
En parallèle, l’ouverture à de nouveaux modèles économiques (location, batteries en pool, retrofit, services numériques) constitue un levier supplémentaire pour faciliter l’adoption de ces véhicules bas carbone.
La stratégie multi-énergies deviendrait ainsi un vecteur d’agilité pour l’ensemble de la chaîne logistique, à court et moyen terme. Une stratégie multi-énergies assumée, en phase avec la diversité des besoins opérationnels et les contraintes carbone à venir.
CGM pour Truckeditions
*ePTO : prise de force électrique permettant d’alimenter les équipements embarqués à partir de la batterie principale du véhicule.
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