Hyliko : le rétrofit hydrogène entre dans sa phase industrielle

À Solutrans 2025, Hyliko a confirmé son positionnement à part sur le marché du transport décarboné, en dévoilant la seconde génération de son tracteur rétrofité hydrogène, le Hy T44 2nd Edition. Prévu pour une homologation et une mise en service début 2026, ce nouveau modèle gagne en maturité : autonomie portée à 600 km, consommation abaissée à 7 kg/100 km, extension de la gamme avec une version « approche chantier » conçue pour des environnements exigeants, tels que les opérations BTP.
Cette stratégie produit, centrée sur la modularité et l’endurance opérationnelle, s’inscrit dans une logique industrielle structurée, dont les fondements avaient été détaillés dès octobre lors d’une conférence à Transpolis.
Au-delà de l’innovation technologique, Hyliko met en œuvre une approche systémique de la transition énergétique. En combinant la fourniture du véhicule, l’accès à l’énergie via un réseau d’avitaillement sécurisé et un accompagnement opérationnel (maintenance, planification, financement), l’entité positionne son modèle Hydrogen-as-a-Service comme une solution intégrée à destination des transporteurs et de leurs donneurs d’ordres. La remise officielle à Solutrans du premier camion « chantier » au Groupe Mauffrey, développé en partenariat avec ECT pour une mission liée au Grand Paris Express, en est l’illustration concrète : à raison de dix rotations quotidiennes dès janvier 2026, ce véhicule permettra une économie annuelle de 26 tonnes de CO₂, en conditions réelles d’exploitation.

C’est dans ce contexte de montée en puissance que nous avions rencontré, quelques semaines plus tôt, Ovarith Troeung, directeur général de Hyliko, pour un entretien autour de leur stratégie, des retours terrain et des leviers de déploiement à court et moyen termes. Nous étions alors sur le circuit de Transpolis, pour découvrir sur piste le Hy T44 2nd Edition.
Des enseignements concrets issus du terrain
Truckeditions : Vous présentez aujourd’hui la seconde génération de votre camion hydrogène rétrofité. Quels enseignements avez-vous tirés de la première version pour faire évoluer ce nouveau modèle ?
Ovarith Troeung :
« La première génération a donné pleine satisfaction à nos clients, qui les exploitent commercialement depuis le début de l’été 2024. Nous avons donc une année de retour d’expérience, marquée par un excellent taux de disponibilité : nous sommes aujourd’hui au-dessus de 95 %.Cela confirme que la technologie hydrogène fonctionne bien, qu’elle est fiable et qu’elle tient ses promesses. Nos clients les utilisent au quotidien comme des véhicules thermiques, sans adaptation particulière.
Notre technologie repose sur un stockage d’hydrogène à 350 bars, ce qui permet d’atteindre environ 400 kilomètres d’autonomie en charge avec un plein. Et nous savons répondre à des usages intensifs, y compris en double poste, grâce à des temps de remplissage inférieurs à 20 minutes.
À ce jour, nos quatre véhicules ont parcouru près de 280 000 kilomètres, ce qui représente environ 90 000 litres de diesel économisés grâce à l’utilisation d’hydrogène renouvelable produit localement. »
Une approche intégrée : du camion à la molécule
Truckeditions : Vous proposez une solution véhicule, mais vous intervenez également sur les aspects énergétiques et de financement. Vous positionnez-vous aussi en tant qu’énergéticien ?
Ovarith Troeung :
« Effectivement, et cela peut surprendre, mais c’est indispensable. Fournir un véhicule ne suffit pas : il faut aussi que le transporteur ait un accès simple et fiable à l’énergie.Quand nous avons lancé Hyliko, il existait très peu de stations hydrogène adaptées aux poids lourds. C’est pourquoi nous avons construit notre propre station, il y a deux ans. Elle est en exploitation depuis un an et fonctionne très bien.
Nous avons ainsi mis en place un pôle d’excellence hydrogène pour le poids lourd, dans le sud de la région parisienne, à Villabé. Il comprend la station, qui est toujours approvisionnée, et un centre de service dédié.
Sans cette infrastructure, il aurait été très difficile de convaincre les transporteurs de passer à l’hydrogène. »
Construire l’écosystème pour lever les freins au déploiement
Truckeditions : Pourquoi avoir choisi de développer vous-même l’infrastructure énergétique, plutôt que de vous associer à un énergéticien déjà présent et reconnu sur le marché ?
Ovarith Troeung :
« C’est une bonne remarque. J’ai travaillé auparavant pour un grand énergéticien, sur les infrastructures pour la mobilité, et j’ai vécu le développement du « gaz naturel véhicule » pour le transport.Ce que nous avons constaté, c’est que les projets mettaient énormément de temps à sortir : les constructeurs attendaient que les énergéticiens installent les stations, et ces derniers attendaient que les véhicules soient sur le marché.
En réunissant les deux sous un même projet, on simplifie l’équation. On maîtrise tout le cycle. Par exemple, à Villabé, notre site a ouvert en juillet et dès le premier jour, les véhicules venaient s’y avitailler. Cela signifie que l’investissement est immédiatement utilisé, ce qui est essentiel pour un énergéticien.
Et pour nous, dès qu’un camion est déployé, on sait qu’il peut faire le plein. C’est un système cohérent et efficace, pensé pour les transporteurs. »
Objectif 2027 : 100 camions sur la route et un réseau adapté
Truckeditions : Avec l’objectif de mettre en circulation 100 camions d’ici 2027, allez-vous aussi développer l’ensemble des infrastructures de recharge nécessaires ?
Ovarith Troeung :
« Nous développons des stations là où elles sont nécessaires. Mais nous nous insérons dans les réseaux existants dès que cela est possible.Par exemple, en Auvergne-Rhône-Alpes, l’acteur HYmpulsion dispose d’un réseau de plus de huit stations hydrogène. Nos véhicules, une fois assemblés à Saint-Priest, s’y avitaillent directement.
Nous structurons nos ventes régionales à partir de ces maillages. À l’inverse, dans le sud de l’Île-de-France, il n’y avait pas de station disponible. Nous avons donc construit la nôtre, puis collaboré avec les autres opérateurs présents sur la zone.
Mais pour être clair, ce n’est pas notre vocation de devenir opérateur de stations. Nous construisons uniquement lorsque c’est nécessaire pour que le modèle fonctionne. L’objectif est de proposer une solution clé en main aux transporteurs : véhicule + avitaillement. »
Un projet industriel ouvert à l’évolution du capital
Truckeditions : Vous évoquez un développement international, notamment en Europe. Mais à ce jour, vous restez concentrés sur le territoire français. Envisagez-vous, à terme, un rapprochement avec un grand groupe industriel, via un rachat ou une entrée au capital ?
Ovarith Troeung :
« C’est une possibilité. Certaines start-ups sont intégrées à de grands groupes, d’autres deviennent elles-mêmes des industriels majeurs.Nous n’avons pas de plan figé. Notre priorité est de proposer une solution opérationnelle dès aujourd’hui pour contribuer à la décarbonation du transport.
Si un acteur industriel ou un investisseur souhaite nous accompagner, l’essentiel est que nous puissions poursuivre notre mission, avec les moyens nécessaires pour la faire grandir.
Ce qui importe aujourd’hui, c’est de tenir nos engagements : livrer les véhicules prévus d’ici fin 2025 / début 2026, présenter les nouveautés-produits, étendre la gamme et remettre les véhicules entre les mains des clients. »
L’hydrogène : une réponse crédible aux limites de l’électrique
Truckeditions : Vous disiez que l’hydrogène progresse plus vite dans certains pays. Quels sont, selon vous, les modèles à suivre ?
Ovarith Troeung :
« En Europe, les Pays-Bas avancent vite. Ils ont atteint la limite de capacité de leur réseau de distribution électrique, ce qui rend difficile le développement du poids lourd électrique. Ils ont donc décidé de s’engager clairement vers l’hydrogène, avec des objectifs de décarbonation bien définis.Dans d’autres régions du monde, notamment en Asie — en Chine par exemple — ce sont des politiques publiques fortes qui tirent la filière. L’État y prend des initiatives pour construire une avance technologique, une industrie et un marché structuré. »
Hydrogen-as-a-Service : une solution de rupture, clé en main
Truckeditions : Votre offre repose sur un modèle “Hydrogen-as-a-Service”, incluant la vente au kilomètre. Que diriez-vous à un transporteur encore hésitant face à cette solution ?
Ovarith Troeung :
« L’hydrogène n’est plus une énergie du futur. C’est une technologie disponible aujourd’hui, nous le démontrons d’ailleurs en conditions réelles.Le point essentiel, c’est le TCO : il faut trouver le bon cas d’usage, adapté au transporteur et à son chargeur, pour que le coût d’exploitation soit compétitif.
Et ce TCO, nous savons déjà l’atteindre. Avec les aides disponibles, réfléchies et allouées, le coût d’un camion hydrogène est aujourd’hui comparable à celui d’un véhicule électrique à batterie.Le principal point de vigilance reste le prix de l’hydrogène. Mais là aussi, nous progressons. Les énergéticiens et producteurs d’hydrogène renouvelable nous proposent des tarifs de plus en plus compétitifs.
Et surtout, l’État doit aller au bout des décisions déjà prises, notamment en activant les mécanismes opérationnels de soutien, comme la TIRUERT— c’est-à-dire les outils de traçabilité et d’incitation pour les metteurs à la consommation d’hydrogène renouvelable.Avec tout cela, nous ne sommes plus très loin d’un équilibre économique réaliste.
Au-delà des aspects financiers, il y a un enjeu stratégique : contribuer à la relocalisation de l’énergie. Développer l’hydrogène renouvelable, c’est soutenir notre souveraineté énergétique, encourager la réindustrialisation, et créer des technologies au service de notre autonomie.
C’est cette vision que nous portons chez Hyliko : accompagner la transition du transport de manière concrète, responsable et ambitieuse. »

Vers une expansion maîtrisée, du territoire national à l’outre-mer
À l’issue de Solutrans et après une année de retour d’exploitation sur route, Hyliko dit franchir un cap stratégique, consolidant à la fois son offre technique et son modèle économique auprès de transporteurs en quête de solutions immédiatement mobilisables. Les chantiers engagés illustrent cette approche : extension de la gamme, montée en puissance au niveau industriel, articulation avec des énergéticiens régionaux et accompagnement des transporteurs sur leurs lignes dédiées.
Dernière illustration en date : le déploiement annoncé d’un premier véhicule hydrogène rétrofité en Guyane, dans le cadre d’un partenariat local. Cette expérimentation, rendue possible par les caractéristiques modulaires et potentiellement robustes du système Hyliko, vient s’inscrire dans une logique de relocalisation énergétique et de souveraineté logistique dans des zones à réseaux électriques contraints. Ce projet pilote, pensé pour des conditions d’usage tropicales, pourrait ouvrir la voie à d’autres initiatives en outre-mer.
Avec une ambition claire, une logique d’intégration verticale affirmée et des résultats terrain mesurables, Hyliko entend désormais démontrer que l’hydrogène n’est plus un pari d’avenir, mais une solution prête à l’emploi pour la logistique de demain.
Plus d’infos à propos de Hyliko
👉 Brétéché teste un camion hydrogène en logistique régionale
👉 Hydrogène et mobilité lourde : une logistique en pleine transition chez BeRT&YOU
Consultez également :
- Hyliko : le rétrofit hydrogène entre dans sa phase industrielle
- Infinity : SAMPA déploie une offre locative pour semi-remorques axée sur le rétrofit et la décarbonation
- Pourquoi les DAF XD et XF Electric ont-ils convaincu le jury du Truck of the Year 2026 ?
- Optimisation énergétique : Bump connecte la recharge des poids lourds aux flux logistiques
- Hankook x Mineris : comment structurer la gestion pneumatique d’une flotte de collecte exigeante ?
Raconter le transport en images, avec justesse et engagement
Chez Truckeditions, nous aimons raconter le transport routier autrement. En allant sur le terrain, en captant les gestes, les savoir-faire, les machines en mouvement – et surtout les personnes qui font avancer ce secteur au quotidien.
Notre équipe audiovisuelle travaille en lien étroit avec notre rédaction pour produire des contenus cohérents, précis, vivants : reportages, interviews, captations, montages dynamiques, animations techniques... Chaque format est pensé pour mettre en valeur votre projet, en respectant les codes du métier et les enjeux de communication B2B.
🎬 Cette vidéo est un aperçu de notre manière de filmer le TRM : directe, claire, respectueuse des réalités du terrain.
Envie de vidéos claires, ciblées et bien réalisées pour vos supports métiers ? Échangeons.