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TRM : surcharge fiscale et perte de compétitivité en France

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Le transport routier de marchandises (TRM) en France subirait une pression fiscale bien plus élevée que sa part dans la circulation routière nationale. Alors que s’est ouvert la conférence « Ambition France Transports », l’Union TLF alerte sur l’effet cumulatif des taxes existantes et à venir. Ce déséquilibre fiscal, combiné à une redistribution limitée vers les infrastructures, peut aggraver les difficultés économiques d’un secteur déjà fragilisé face à ses homologues européens. À l’horizon 2027, les transporteurs pourraient subir une triple peine fiscale : européenne, nationale et régionale.

TransportRoutier : alourdissements fiscaux en vue pour 2027

Une marge de manœuvre économique quasi inexistante

Les marges opérationnelles du TRM français sont parmi les plus basses d’Europe : en 2022, la marge brute atteignait à peine 4,6 %, contre 11 % en moyenne dans l’Union. En France, la marge nette oscille entre 2 et 3 %, alors que la moyenne nationale tous secteurs confondus est de 6,8 %. Ce niveau place les transporteurs dans une situation de vulnérabilité structurelle. En 2023, les transporteurs interurbains affichaient 3,3 % de marge nette, contre 2,4 % pour les acteurs de la proximité. Ce niveau de rentabilité explique en partie la hausse des défaillances dans le secteur, notamment chez les PME, qui peinent à absorber les hausses de coûts.

Une fiscalité déséquilibrée et mal redistribuée

Le TRM contribue à hauteur de 4,1 Md€ aux recettes fiscales spécifiques de l’État, soit 11 % de la fiscalité routière, alors que les camions ne représentent que 6,1 % de la circulation nationale. Cette contribution repose essentiellement sur la TICPE (3,65 Md€), la taxe à l’essieu (170 M€) et une part indirecte des péages (263 M€). Or, moins de 10 % des recettes issues de la route sont explicitement fléchées vers le financement d’infrastructures, tous modes confondus. En 2025, l’AFITF ne consacre que 36 % de son budget aux routes, alors même que la route assure près de 90 % du transport intérieur de marchandises en France.

Concurrence étrangère : un déséquilibre devenu systémique

Les écarts de compétitivité sont flagrants : en 2022, le coût kilométrique hors frais de structure atteignait 1,37 € pour un transporteur français contre 0,99 € pour un polonais, soit un différentiel de +38 %. Ce surcoût grimpe à plus de 50 % face aux pavillons roumain ou lituanien. Même l’Espagne affiche un avantage de +30 %. Conséquence directe : la part du pavillon français dans le marché intérieur est tombée à 58,6 % en 2023, contre 90 % dans les années 1980. À l’international, la situation est encore plus critique : les transporteurs français ne représentent plus que 5,8 % des flux, soit huit fois moins qu’en 1985.

Le cabotage progresse, au détriment des transporteurs français

La France est aujourd’hui le pays le plus caboté d’Europe, après l’Allemagne. Le taux de cabotage a atteint 6,7 % en 2023, contre une moyenne européenne pondérée de 4,2 %. Ce phénomène traduit une intensification de la concurrence étrangère sur le territoire national, facilitée par des différences fiscales et sociales, et exacerbée par le prix du carburant. La suppression du remboursement partiel de la TICPE, prévue à l’horizon 2030 par la loi Climat, pourrait aggraver cette tendance. Sans ce mécanisme, la France afficherait le taux d’accise sur le gazole professionnel le plus élevé d’Europe (60,94 €/hl, soit +46 % par rapport à la moyenne européenne).

Pressions fiscales régionales et manque de cohérence nationale

Au niveau local, des initiatives fiscales émergent : l’Alsace prévoit de mettre en place une redevance poids lourds (R-Pass) en 2027, avec un rendement attendu de 60 M€/an. La région Grand Est envisage également une éco-contribution du même type. L’Union TLF alerte sur les effets de ce morcellement fiscal : les transporteurs locaux, plus souvent utilisateurs des routes concernées, seraient plus pénalisés que les pavillons étrangers en transit. Ce système fragmenté viendrait accroître l’instabilité réglementaire et l’inégalité territoriale, rendant potentiellement la chaîne logistique française encore plus vulnérable.

Alors que les travaux de la conférence « Ambition France Transports » visent à définir un modèle pérenne de financement des infrastructures, le TRM français ne peut continuer à porter une fiscalité disproportionnée selon l’Union TLF. Un rééquilibrage devient indispensable : en rationalisant la contribution du secteur, en harmonisant les politiques fiscales régionales et en affectant une part significative des recettes au développement d’infrastructures adaptées, la France pourrait préserver la compétitivité de sa chaîne logistique nationale et résister à la pression croissante des pavillons étrangers.

CGM pour Truckeditions

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