Transport routier : quelles obligations dans la chaîne d’approvisionnement ?
Le Parlement et le Conseil européens ont finalisé en mai 2024 une directive instaurant un devoir de vigilance pour les grandes entreprises, incluant les acteurs du transport routier. Ce texte, baptisé Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD), impose aux sociétés concernées de contrôler les pratiques sociales et environnementales dans l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement. Appliquée progressivement jusqu’en 2029, cette directive suscite déjà de nombreuses controverses, sur fond de tensions entre ambitions réglementaires et exigences de compétitivité industrielle.

Périmètre d’application et calendrier de mise en œuvre
La directive s’appliquera aux entreprises européennes de plus de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 millions d’euros. Pour les sociétés non européennes, le seuil d’application repose sur un chiffre d’affaires équivalent au sein de l’UE. Sa mise en œuvre sera progressive : en 2027 pour les entreprises de plus de 5 000 salariés, 2028 pour celles dépassant 3 000 salariés, et 2029 pour les structures au-dessus de 1 000 salariés. Cette temporalité vise à laisser aux entreprises le temps d’adapter leurs systèmes de gestion, en particulier pour cartographier leurs partenaires et risques à tous les niveaux.
Obligations transversales de conformité
Les entreprises devront identifier, prévenir et atténuer les risques environnementaux et humains liés à leurs activités, y compris ceux de leurs fournisseurs indirects. Cette obligation inclut la mise en place d’un système d’alerte interne, le suivi des mesures correctives prises, et la formalisation d’une politique de diligence. Une clause importante — encore en débat — prévoit également la publication d’un plan de transition climatique aligné sur les objectifs de l’accord de Paris. En cas de manquement, des sanctions financières sont prévues, pouvant atteindre jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires mondial annuel.
Ce que la directive implique pour les entreprises du transport routier
Dans le transport routier de marchandises (TRM), où les opérations reposent souvent sur des réseaux d’affrétés, de sous-traitants techniques et de prestataires logistiques multiples, cette directive induit des obligations concrètes et complexes. Les grandes entreprises du secteur devront auditer et suivre la conformité sociale et environnementale de partenaires indirects, y compris dans le cadre d’activités externalisées.
Le volet climatique, s’il est confirmé, imposera également de prendre en compte les émissions indirectes (scope 3), incluant les flux affrétés et les prestations externalisées. Cela signifie, pour les groupes concernés, une traçabilité renforcée de leur impact carbone global. En France, cette directive pourrait concerner plusieurs grands noms du secteur : GEODIS, DB Schenker France, STEF ou encore XPO (ex-Norbert Dentressangle) etc.
Un cadre exigeant pour les donneurs d’ordres du TRM
La déclinaison opérationnelle du devoir de vigilance dans le TRM pose un enjeu structurant : comment assurer une gouvernance responsable dans une filière historiquement marquée par une forte fragmentation contractuelle ? Cartographie des risques, suivi de conformité des affrétés, traçabilité des flux externalisés… Les groupes de transport devront renforcer leurs outils de pilotage RSE pour répondre à ces exigences. À moyen terme, cette dynamique pourrait aussi entraîner une formalisation accrue des pratiques auprès des PME sous-traitantes, via chartes RSE, audits partagés ou nouvelles clauses contractuelles.
Résistances politiques et arbitrages en cours
Initialement portée par la Commission européenne, la directive susciterait des réserves fortes au sein du Conseil, notamment de la part de la France et de l’Allemagne. Les deux États invoquent une complexité excessive et des risques de distorsion de concurrence. Ils ont appelé à un allègement du périmètre d’application et à la suppression de certaines obligations, dont celle du plan climat. Un compromis a permis l’adoption du texte, mais de nouveaux ajustements sont envisagés lors des transpositions nationales prévues entre 2026 et 2027.
Une exigence structurante à encadrer avec méthode
Le cadre posé par la CSDDD reflète la volonté de l’Union européenne d’instaurer un encadrement plus strict des chaînes d’approvisionnement mondialisées. Pour le transport routier, fortement dépendant de la sous-traitance, cela pourrait induire des effets structurants, à la fois en matière de conformité, de responsabilité contractuelle et de traçabilité environnementale. Les grandes entreprises, en tant que donneurs d’ordres, joueront un rôle central dans la diffusion des exigences de vigilance au sein de leur écosystème, à travers des clauses, audits ou procédures internes.
Dans un secteur marqué par de fortes interdépendances, la complexité des dispositifs à déployer, conjuguée aux pressions contractuelles entre donneurs d’ordres et sous-traitants, pose une question centrale : la directive devrait-elle être appliquée de manière différenciée selon la taille et la fonction des entreprises dans la chaîne logistique ? Une telle approche permettrait peut-être de limiter les effets de cascade réglementaire sur les structures les plus petites.
CGM pour Truckeditions
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