Dans un paysage européen du transport routier en pleine recomposition, la bascule vers l’électrique n’est plus une hypothèse, mais une trajectoire industrielle désormais active – et semée d’arbitrages techniques, économiques et réglementaires. À Eindhoven, ce mois-ci, DAF Trucks a présenté une nouvelle génération de camions électriques, marquant une étape décisive dans sa vision d’un transport décarboné, modulaire et pleinement maîtrisé. Mais au-delà des performances produit, c’est une stratégie globale qui se dessine : une industrialisation rigoureuse, une lecture fine des usages réels, et une volonté d’ancrer l’électromobilité dans la réalité quotidienne des transporteurs. Offensif, DAF confirme une posture Premium, mais réaliste, où l’innovation sert d’abord la performance d’exploitation.

Une stratégie claire face à la décarbonation du transport lourd

L’ambition de DAF Trucks ne s’inscrit pas dans une logique opportuniste ni dans une simple adaptation à la pression réglementaire. Le constructeur affiche une trajectoire structurée, qui reposerait à la fois sur une vision industrielle affirmée et sur une lecture fine des réalités opérationnelles du transport.

Le cadre européen est connu : pour atteindre les objectifs de réduction de 43 % des émissions de CO₂ d’ici 2030, il faudra faire circuler 400 000 camions électriques sur les routes de l’Union, alimentés par 42 TWh par an – soit l’équivalent de la consommation de 17 millions de foyers. À cela s’ajoute une exigence massive en infrastructures : 400 000 points de charge en dépôt, 50 000 bornes publiques (dont 35 000 à haute puissance) et 2 500 stations hydrogène. Sur ce point, DAF insiste : la technologie est prête, mais les conditions d’exploitation à grande échelle restent à construire.

Face à ces enjeux, les stratégies concurrentes se différencient nettement. Pour exemples, Volvo Trucks prévoit d’atteindre 50 % de ventes électriques à l’horizon 2030, en ciblant prioritairement les usages urbains et régionaux. Mercedes-Benz Trucks explore en parallèle la batterie et l’hydrogène, en s’appuyant sur son eActros 600 et ses premières expérimentations de recharge haute capacité. DAF se distingue par un choix clair : industrialiser dès aujourd’hui une offre opérationnelle, capable de répondre aux contraintes terrain tout en s’insérant dans un déploiement logistique réaliste.

Le constructeur conçoit ainsi son camion électrique non comme un produit isolé, mais comme une solution à part entière, intégrée à l’environnement d’exploitation des transporteurs : recharge, télématique, planification, accompagnement technique.
Là où certains avancent par paliers ou concentrent leurs efforts sur des niches spécifiques, DAF dit miser sur une couverture fonctionnelle large, soutenue par une capacité industrielle prête à l’emploi, selon le constructeur.

Une équation complexe, mais devenue incontournable face à l’urgence climatique et à la recomposition rapide des chaînes logistiques en Europe – et que les grands constructeurs du secteur abordent chacun selon leur propre calendrier technologique et industriel.

Un engagement industriel progressif et structurant

DAF ne découvre pas l’électromobilité en 2025. L’entreprise rappelle ses étapes clés, depuis l’introduction du premier LF hybride en 2010, en passant par le lancement de camions électriques moyens et lourds en 2018, jusqu’au développement d’un moteur à combustion hydrogène en 2021, une technologie qui lui a valu le prix de l’innovation Truck of the Year.

En 2025, une nouvelle étape est franchie avec l’ouverture d’une usine entièrement dédiée à l’assemblage de camions électriques. Cette capacité industrielle renforce la montée en charge d’une offre aujourd’hui annoncée mature, destinée à couvrir tous les segments du transport routier, de la distribution urbaine au grand routier international.

Cette maîtrise interne de la production, de la conception et de l’intégration des composants clés, qu’il s’agisse de la chaîne de traction, des batteries ou des interfaces de conduite, est présentée comme un gage de sérieux face à une transition technologique qui nécessite fiabilité, support et adaptabilité terrain.

Une gamme cohérente, modulaire et opérationnelle

Les camions électriques présentés s’inscrivent dans la continuité de la nouvelle génération DAF introduite en 2021 en version thermique. La gamme électrique DAF couvre désormais cinq modèles : XB, XD, XF, XG et XG+, tous déclinés en versions tracteurs ou porteurs selon les configurations (4×2 et 6×2). L’architecture véhicule a été conçue pour intégrer l’électrification dès l’origine, sans compromis sur les performances ni sur l’ergonomie.

Quatre grands segments opérationnels sont désormais adressés. Le XB Electric cible les besoins spécifiques de la distribution urbaine légère et des livraisons en centres-villes contraints, avec une plage de PTAC allant de 7,5 à 19 tonnes. Le XD Electric couvre quant à lui les usages de distribution régionale et interurbaine. Le XF Electric répond aux besoins du transport national, tandis que les XG et XG+ Electric sont dimensionnés pour les missions longues distances, avec un niveau de confort cabine pensé pour les conducteurs grands routiers.

D’autres constructeurs européens structurent leur offre électrique de façon similaire. Renault Trucks propose une gamme E-Tech allant du 3,5 tonnes au tracteur longue distance, avec une logique de segmentation proche. MAN, de son côté, prépare une montée en puissance progressive autour du eTGX, en ciblant d’abord les flottes régionales.

Les piliers technologiques restent communs à l’ensemble de la gamme : une sécurité renforcée grâce au système de caméras remplaçant les rétroviseurs, une vision directe améliorée et une cabine conçue pour absorber les chocs ; une efficacité énergétique accrue par l’aérodynamisme, le freinage régénératif et les aides à la conduite intelligentes ; enfin, un confort de conduite porté par une insonorisation avancée, une ergonomie soignée et un environnement numérique complet.

Technologie embarquée : une chaîne de traction modulaire

Les véhicules sont équipés de moteurs électriques PACCAR, disponibles en plusieurs niveaux de puissance allant de 170 à 350 kilowatts. Les modèles les plus puissants intègrent une transmission à trois rapports, offrant un rendement adapté aux différents profils de route, et garantissant, selon le constructeur, une réactivité optimale grâce à un couple disponible immédiatement.

Les batteries utilisent une architecture modulaire, reposant sur des packs de 105 kilowattheures, chacun composé de trois modules de 35 kilowattheures. Cette configuration dit permettre de déployer des capacités totales de 210 à 525 kilowattheures, ajustées aux besoins réels des missions. DAF insiste sur la nécessité d’éviter le suréquipement, privilégiant une autonomie utile adaptée au profil opérationnel.

En comparaison, Volvo Trucks mise sur une technologie de batterie NMC, plus dense en énergie, tandis que Scania défend une approche modulaire similaire avec un pack central à refroidissement actif. Les choix de DAF, notamment l’adoption d’une transmission à plusieurs rapports, contrastent avec ceux de certains concurrents qui privilégient un entrainement direct pour simplifier l’architecture.

Côté recharge, les camions sont compatibles avec des bornes AC jusqu’à 22 kilowatts et DC jusqu’à 325 kilowatts. La recharge rapide permettrait d’atteindre 80 % de la capacité batterie en 45 minutes, intégrant ainsi les pauses des conducteurs dans la stratégie d’exploitation. Le contrôle thermique actif des cellules dit garantir une durée de vie optimisée et une performance stable, y compris en conditions climatiques exigeantes.

Une approche systémique : au-delà du camion, un écosystème opérationnel

Comme ses vaillants concurrents européens, DAF considère que la réussite de la transition ne repose pas uniquement sur le véhicule, mais sur l’ensemble des services qui l’accompagnent ; en fait c’est la seule solution pour bien engager la bonne mise sur le marché de ces nouvelles solutions de mobilité pour le transport routier de marchandises. C’est pourquoi le constructeur propose un accompagnement complet, depuis l’analyse de mission jusqu’à la maintenance. Chaque client bénéficie d’un diagnostic d’exploitation sur ses parcours types, permettant d’ajuster la configuration véhicule, la stratégie de recharge et le plan de maintenance.

Des solutions d’infrastructure de recharge sont également intégrées à l’offre, avec l’écosystème PacCharge, des outils de gestion connectée comme PACCAR Connect, et un programme de formation à la conduite électrique. Cette approche est comparable à celle de Mercedes-Benz Trucks, qui déploie eConsulting pour intégrer recharge intelligente et analyse de flotte, ou encore à l’offre modulaire de services développée par Volvo Trucks dans le cadre de son Battery-as-a-Service. L’objectif est commun : réduire les coûts d’usage, optimiser la planification et sécuriser le retour sur investissement.

Le constructeur précise que la maintenance des véhicules électriques permet de réduire les interventions de 30 à 50 % par rapport à un diesel, grâce à l’absence d’embrayage, de boîte à vitesses traditionnelle et d’échappement.

Vers une transition réaliste et industrialisée du transport routier ?

Avec une gamme électrique techniquement opérationnelle, modulaire et adossée à une capacité de production dédiée, DAF revendique une électrification progressive mais industrialisable. L’objectif est clair : proposer une solution exploitable à court terme, en phase avec les contraintes réelles du transport routier.
Si les infrastructures et les soutiens financiers suivent, cette nouvelle génération dit pouvoir s’imposer auprès des transporteurs souhaitant engager une transition sans rupture de leur modèle d’exploitation.
Face à des approches concurrentes déjà opérationnelles ou parfois plus gradualistes, DAF assume une stratégie de déploiement rapide, soutenue par une capacité de production immédiatement mobilisable.

Mais l’industrie seule ne pourra pas faire basculer l’équation. La transition énergétique du transport routier nécessite un alignement plus ferme entre les ambitions européennes (Pacte Vert, AFIR), les politiques nationales (aides à l’acquisition, fiscalité carbone), et les réalités économiques du terrain. Des fédérations comme l’ACEA, l’IRU ou France Logistique appellent à une vision partagée, où tous les maillons — État, constructeurs, énergéticiens, chargeurs, transporteurs — construisent ensemble des corridors de transition crédibles.

Les enjeux sont industriels, environnementaux, mais aussi géopolitiques. Plus qu’un défi technique, l’électrification du poids lourd devient un test grandeur nature pour la capacité de l’Europe à structurer une réponse coordonnée, souveraine et compétitive à l’urgence climatique. Une dynamique encore fragile, mais porteuse de valeur pour tous les acteurs engagés dans la chaîne logistique, si elle est pleinement soutenue…

CGM pour Truckeditions

Plus d’informations à propos de DAF Trucks

Tous les modèles de la nouvelle gamme de camions électriques DAF Trucks :

DAF XB Electric

Segment : distribution légère et logistique urbaine

Conçu pour répondre aux exigences croissantes de la mobilité urbaine zéro émission, le DAF XB Electric cible les opérations de livraison en centre-ville et en zones à faibles émissions. Disponible en plusieurs configurations (jusqu’à 19 tonnes), il combine compacité, silence et autonomie modulable, tout en intégrant les aides à la conduite et le confort cabine de la gamme supérieure.

DAF XD Electric

Segment : distribution urbaine et régionale

Pensé pour les missions à faible rayon d’action, le DAF XD Electric combine maniabilité, visibilité directe et silence de fonctionnement. Sa cabine compacte intègre les mêmes standards de sécurité et de confort que la gamme thermique, avec une chaîne de traction électrique optimisée pour les livraisons en environnement urbain dense.

DAF XF Electric

Segment : transport interurbain et national

Modèle polyvalent par excellence, le XF Electric couvre les besoins du fret sur moyenne distance. Son autonomie modulable selon les packs batterie en fait une solution adaptée aux transporteurs régionaux engagés dans la transition énergétique. Il partage son ergonomie cabine et son aérodynamisme avec la version thermique XF primée en 2022.

DAF XG Electric Segment : longue distance

Premier modèle électrique de DAF à intégrer une cabine allongée, le XG Electric vise les opérateurs longue distance. Il mise sur une habitabilité supérieure, une efficience énergétique renforcée et une compatibilité avec la recharge rapide. Idéal pour les flottes souhaitant introduire un véhicule zéro émission sur des lignes interrégionales à fort volume.

DAF XG+ Electric Segment : haut de gamme grand routier

Avec une cabine encore plus spacieuse, le DAF XG+ Electric représente le fleuron de la gamme. Il s’adresse aux transporteurs longue distance recherchant confort maximal et image premium. Ce modèle illustre la volonté de DAF d’associer électrification et standards haut de gamme sans compromis sur les performances d’exploitation.

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