Transport routier : signaux contrastés pour l’activité au printemps 2025
Alors que les indicateurs macroéconomiques peinent à se redresser, l’analyse conjoncturelle du 5e Baromètre des Transports de fret et de la Logistique de l’Union TLF dresse un état des lieux nuancé du transport routier de marchandises (TRM) et de ses filières connexes. Entre stabilisation des volumes, recul de l’investissement et tensions persistantes sur les trésoreries, les données consolidées jusqu’en avril 2025 illustrent un secteur sous pression mais en voie de stabilisation. Cette photographie économique s’appuie sur les chiffres du SDES et de l’Insee, corrélés par l’Union TLF, pour évaluer l’évolution des volumes, de l’emploi, des prix, de l’investissement et de la logistique en France.
Climat des affaires : un secteur en attente de relance
En avril 2025, l’indice du climat des affaires pour le TRM reste en dessous de sa moyenne de long terme pour le onzième mois consécutif. Fixé à 97,7 points, il témoigne d’une persistance du malaise sectoriel. 47 % des dirigeants interrogés signalent une insuffisance de la demande, une proportion figée depuis un an, à comparer à moins de 20 % en 2022. Cette perception est renforcée par une stagnation des projets d’investissements et des perspectives d’emploi. Près de 30 % d’entre eux déclarent aussi faire face à un déficit de moyens humains ou matériels. Si les anticipations d’activité à court terme s’améliorent légèrement, elles peinent encore à convaincre d’un redémarrage durable de la dynamique sectorielle.
Défaillances d’entreprises : repli relatif après un pic inédit
L’année 2024 a été marquée par un pic historique de défaillances dans le TRM, avec 2 206 entreprises concernées selon Ellisphere, soit une augmentation de 55 % par rapport à 2022. Ce chiffre comprend notamment une forte concentration au premier semestre. Le quatrième trimestre a enregistré 462 procédures, en hausse de 3,8 % sur un an, illustrant une persistance des difficultés structurelles. Au premier trimestre 2025, les chiffres d’Altares indiquent toutefois une légère amélioration (-3,7 % sur un an), contrastant avec la tendance nationale où les défaillances tous secteurs confondus progressent (+4,4 %). Ce répit partiel reste à confirmer sur les prochains trimestres.
Activité TRM : retour aux volumes d’avant-Covid mais disparités internes
Le quatrième trimestre 2024 enregistre 42,5 milliards de tonnes-kilomètres, un niveau supérieur à celui de 2019, année de référence pré-Covid. La hausse annuelle de 2,9 % repose essentiellement sur la progression du compte d’autrui (+3,5 %), tandis que le compte propre poursuit son repli (-1,9 %). Cette dynamique peut illustrer une externalisation croissante des prestations de transport, notamment dans les secteurs agroalimentaire et grande distribution. Le transport de denrées alimentaires, qui représente près du tiers des volumes, a fortement contribué à cette hausse (+13 % au second semestre 2024).
Chiffre d’affaires et prix : stabilité masquant des fragilités
En 2024, le chiffre d’affaires du secteur progresse de 1,1 %, en ligne avec la hausse moyenne des coûts calculée par le CNR. Cette performance globale cache des disparités notables : recul du chiffre d’affaires pour les activités de messagerie (-1,1 %) et de déménagement (-2,6 %), hausse pour la location sans conducteur (+4,4 %). Du côté des prix, l’indice Insee indique une progression annuelle de 1,2 %, marquée par une baisse de 1,6 % au quatrième trimestre par rapport au pic du deuxième. Ce reflux est lié à la baisse du prix du gazole (-7 % en décembre), qui pèse pour 30 % dans le coût de revient d’un transport selon le CNR.
Emploi : repli mesuré mais persistant
Les entreprises du TRM ont perdu 1 600 postes salariés en 2024, soit une baisse de 0,4 % sur un an. Le secteur emploierait 427 200 salariés selon le SDES, avec une tendance baissière continue depuis deux ans. Les difficultés de recrutement semblent se tasser : seuls 37 % des dirigeants déclarent rencontrer des tensions pour le personnel roulant (contre plus de 60 % en 2022). Dans le domaine de l’organisation de transport (affrêtement, messagerie), l’emploi progresse très légèrement (+0,2 %), avec 120 300 postes en décembre 2024.
Investissements et immatriculations : un net ralentissement en début d’année
Les projets d’investissement restent faibles depuis plus d’un an, à un niveau historiquement bas hors période Covid. Ce repli se traduit concrètement dans les chiffres d’immatriculations de poids lourds : -17,6 % au premier trimestre 2025 sur un an, après une année 2024 globalement stable (+1 %). Cette tendance confirme l’attentisme des entreprises face aux incertitudes fiscales et économiques, malgré la baisse des taux d’emprunt observée fin 2024.
Indicateurs alternatifs : un décalage avec le ressenti terrain
Un indicateur alternatif construit à partir de l’indice de chiffre d’affaires et de l’indice de prix Insee permet d’estimer une évolution négative des volumes TRM en 2024 (-0,2 %), prolongeant une baisse de 2 % en 2023. Ce calcul (basé sur la formule « volume = chiffre d’affaires – prix ») montre un écart entre la perception des professionnels et les volumes officiels issus des enquêtes sur les tonnes-kilomètres. Ce phénomène est dû à la volatilé de certains segments, à la structure du coût de revient et aux dynamiques propres à chaque bassin logistique.
Logistique : activité en repli et baisse des constructions
Le segment de la logistique recule pour la deuxième année consécutive : -1,5 % en 2024, -5,9 % sur deux ans. Au quatrième trimestre, l’activité logistique reste inférieure de 8,2 % à son sommet de 2022. Les prix suivent la hausse des coûts d’exploitation (+2,9 %), ce qui permet un maintien du chiffre d’affaires (+1,2 %). En parallèle, la demande placée de surfaces chute de 18 % et les mises en chantier baissent de 19 %, reflétant un net ralentissement de l’investissement immobilier logistique.
Vers une stabilisation à confirmer ?
La lecture détaillée du Baromètre TLF met en lumière un transport routier de marchandises en phase de transition. Si certains indicateurs montrent des signes d’accalmie, notamment sur le front des défaillances ou des difficultés de recrutement, d’autres confirment une fragilité persistante, comme l’atonie de l’investissement ou la stagnation de l’emploi. L’enjeu pour les mois à venir sera de vérifier si la stabilisation se confirme ou si les tensions conjoncturelles se prolongent. Sur le plan européen, les arbitrages attendus autour de la décarbonation, de la fiscalité du transport et du soutien à la logistique urbaine seront déterminants pour la trajectoire du secteur en 2025 et 2026.
CGM pour Truckeditions
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